Lettre pour Essey-lès-Nancy

Lettre ouverte de Noël Joly à Essey-lès-Nancy
“Les victimes aux cheveux blancs du confinement.”

mardi 12 mai 2020,

Bonjour Essey-lès-Nancy,

Ce sont nos aînés, nos gentils vieux comme on dit souvent ; ce sont nos pères, nos mères, nos grands-parents. Pour tous ou presque tous, leur enfance ou leur jeunesse s’est déroulée en pleine guerre, leur début de vie n’a pas été tendre. S’agissant d’événement dramatique, ils connaissent déjà bien.
Aujourd’hui, presqu’au bout de leur existence pour beaucoup, après avoir vécu des jours plus ou moins heureux, les voilà replongés en plein milieu d’une nouvelle guerre, dont l’ennemi s’appelle covid 19. A cause de cela, suite à un ordre gouvernemental, certains sont confinés chez eux, d’autres dans des établissements divers pour personnes âgées, depuis maintenant deux mois. Les conséquences sont terribles et même dévastatrices.
Ma belle-mère qui est âgée de 95 ans se trouve en Unité de soins longue durée à l'hôpital Saint-Julien de Nancy depuis 4 ans. Le 11 mars dernier, les responsables de l’établissement nous ont demandé à nous les membres de la famille de ne plus rendre visite à cause du virus. Du jour au lendemain, isolement total pour ma belle-mère et alors pour elle, des manques énormes, des attentes qui ne sont plus satisfaites.
Le 1er avril, nous la famille, nous apprenons que ma belle-mère a contracté le covid 19. A partir de là, très vite et jusqu’au lundi de Pâques, le docteur de l’hôpital au téléphone ne nous parle plus que d’une chose, d’un enterrement possible en y mettant pas trop les formes ou vraiment le minimum, seulement comme leur ont demandé de faire les responsables politiques, paraît-il. A ce sujet, j‘en resterai là. Lamentable, comme beaucoup d’autres choses !
On est presque mi-mai aujourd’hui, ma belle-mère a surmonté le covid 19, mais deux mois d’isolement ont laissé des traces.
Nous sommes une famille qui a toujours été présente auprès de ma belle mère. Avant le confinement, nous venions tous les après-midi jusqu'au soir pour lui faire prendre son repas. Hélas, depuis plus d’un mois elle refuse de s'alimenter dû à un état de glissement causé par une absence prolongée de ses proches. Une coupure aussi brutale cause pour nos anciens qui ont encore la chance d'avoir une famille qui les entoure, un état de solitude et de lâcher prise. Trop isolés depuis le confinement, se sentant, il est certain, abandonnés, ils refusent toute l'aide qui n'est pas donnée par leurs proches.
Depuis une semaine, les règles ont été assouplies concernant les visites mais ce n’est pas suffisant et dans le cas de ma belle-mère c’est inadapté. Il nous a été possible de la visiter dernièrement, ce qui est bien mais non bénéfique pour elle car ma belle-mère en plus de son grand âge a un problème de très forte surdité auquel s'ajoute une DMLA sévère et lors des rencontres il nous a paru à chaque fois qu’elle ne comprenait pas trop ce qui se passait. Il faut dire que lors des visites, la résidente est placée à 1,50 m de sa famille qui ne peut ni l’approcher ni la toucher ; pas facile dans cette situation d’entrer en contact.
Nous demandons aujourd’hui, de pouvoir de nouveau intervenir au plus près de ma belle-mère de façon à tout tenter pour la remotiver, trois fois par semaine ou plus, avec bien sûr toutes les mesures de précaution qui s’imposent. Chaque jour qui passe fait que sa santé se dégrade toujours un peu plus mais hélas, aucune possibilité pour nous d’agir !
Nous avons attiré l’attention du Président de la République qui a fait parvenir notre requête dans les services de l'Agence Régionale de Santé du Grand-Est, mais pour l’instant pas de réponse positive, pourtant le temps presse.
Pour nous accompagner dans notre démarche, nous avons sollicité l’aide du docteur et de la responsable administrative de St Julien, mais de leur part nous avons eu droit qu’à un refus net et catégorique. Ils appliquent tout simplement les règles imposées par le gouvernement, c’est leur réponse et on me dit même : « C’est votre belle-mère qui décide, si elle veut se laisser partir, c’est son choix ! »… Horrible !
Nous ne comprenons pas que la situation n’alerte pas nos responsables de la santé. C’est de la non-assistance à personne en danger mais on se trouve face à un mur infranchissable !

Auteur: Noël Joly